Cet article aborde un sujet trop rarement abordé dans les différentes études ou traités musicaux: celui des annotations de partitions.
La partition, document de travail, subit tout au long de son utilisation, du déchiffrage à l’interprétation, un certain nombre de modifications pour l’adapter aux exigences du musicien.
Nous allons voir quelles sont ces transformations et comment le numérique peut radicalement étendre les possibilités de personnalisation de la partition, voire même permettre le partage de ces annotations entre musiciens au sein d’un orchestre.
Mais tout d’abord….
Table des matières
Pourquoi annoter ses partitions ?
Une partition est une compagne autour de laquelle le musicien tourne de longues heures, tout d’abord pour la déchiffrer, ensuite pour l’apprendre, la mémoriser, et enfin pour l’interpréter selon son souhait (ou parfois celui de son professeur).
Or même si la notation musicale a un pouvoir d’expression très riche, au cours de ce long apprentissage, l’interprète sera amené à s’approprier profondément son texte et à lui ajouter des indications supplémentaires, corriger ou mettre en avant certains passages lui permettant de s’imprégner pleinement son œuvre.
Selon les étapes de cet exercice, et même selon son niveau, il usera d’annotations différentes.
Nous allons illustrer ces propos de d’extraits de partitions papier annotées.
Quand et comment annote-t-on ses partitions ?
D’abord son professeur pourra corriger quelques erreurs d’édition (souvent quelques altérations ou des erreurs de doigtés, parfois des dynamiques ou des erreurs d’articulations).
Au déchiffrage
Pour le musicien débutant, la mention de certaines notes sur des lignes supplémentaires extrêmes, pourra être rajoutée.
Et très rapidement, il devra corriger la partition afin de l’adapter à ses possibilités ou ses limites. Pour un pianiste c’est les choix de doigtés qui arrive souvent dans la foulée pour mémoriser le plus tôt possible le texte avec un mouvement de main dont la chorégraphie ne changera plus.
Pour les petites mains, on indiquera (rarement) certaines notes à omettre, la mention de deux notes adjacentes jouées avec le pouce ou une légère différence de distribution des notes sur les deux mains. Un accord ne peut être plaqué ? On lui rajoutera une indication d’arpègeDes rythmes différents entre la main gauche et la main droite rendent difficile la lecture de notes jouées ensemble entre les deux mains, mais qui ne sont pas l’une au dessus de l’autre sur les deux lignes de la partition ? On sera tenté de les relier par un trait d’une portée à l’autre …
Et puis il y a les vacheries : Au piano main gauche jouée en clef de sol, qu’il faut mettre en évidence. Les changements d’armure en fin de ligne qu’on doit bien prendre en compte pour redémarrer correctement la ligne suivante…
Lors de la mémorisation
Vient le moment de mémoriser la partition une fois déchiffrée. A ce stade, on entoure très souvent les notes jouées incorrectement, ou des silences à respecter. Une note liée qu’on serait tenté de répéter ? Il faut l’entourer également.
Le tempo est souvent baissé pour travailler la mémorisation plus lentement, puis par paliers vers le tempo final.
Les passages difficiles sont souvent rageusement entourés et les altérations souvent oubliées cerclées également. Sans compter celles qu’il faut parfois rendre explicites lorsqu’elles ont changé accidentellement au sein d’une même mesure…
Lors de l’interprétation
Le morceau est globalement su et mémorisé, il faut maintenant passer une troisième ‘couche’ d’annotations pour les ajout de poids de bras,les corrections de pédale,les changement ou emphases de dynamique, les indications ou correction de nuances,les améliorations de phrasé, les respirations, les ralentissements…
Quels sont les motifs utilisés pour annoter ses partitions ?
Si on s’en tient aux annotations habituellement trouvées sur des partitions papier, les signes sont de deux catégories :
Les symboles de la notation musicale
Bien évidemment les musiciens rajoutent des symboles existants. Il s’agit généralement des symboles de crescendo , diminuendo , des arcs de cercle pour marquer les phrasés, des chiffres pour ajouter des doigtés, des crochets ¬ pour faire jouer plusieurs notes avec un même doigt ou une note de portée avec l’autre main , des indications de nuances, ffff, mp, des altérations supplémentaires, des pédales/fin de pédale, des tiré, poussé au violon… On a vu plus haut un certain nombre de ces symboles..
Formes libres
Les formes libres sont non contraintes par définition, mais certains usages se retrouvent fréquemment comme les coches souvent utilisées pour indiquer les respirations, les indications de poids (flèche vers le bas) pour les pianistes, et les parties entourées, le plus souvent cerclées d’ailleurs:On peut parfois trouver les césures comme des traits verticaux:
Par ailleurs, la façon de barrer un symbole est libre, le plus souvent il est soit biffé soit totalement recouvert.
On peut enfin ajouter qu’il y a une infinité d’autres pratiques d’annotations et surtout celles qui relèvent de l’analyse ou ne servent pas à l’interprétation. Citons par curiosité l’ajout de modulations pour comprendre le chemin harmonique et les rapports entre les harmonies, ou chez les chefs les symboles binaires et ternaires pour compter les temps sur les mesures non chiffrées
Couleurs
Enfin, différentes couleurs sont parfois utilisées, mais sans raison particulière généralement, ou selon un code que seul son auteur connaît…
Les limites des annotations sur les partitions papier
Bien évidemment la grande limite des annotations sur les partitions papier est de ne pas être effaçables ou tout du moins pas facilement effaçables. C’est gênant sur la partition d’un particulier et limite sa réutilisation entre musiciens. L’annotation étant très personnelle, il est bien rare qu’elle puisse servir à un tiers, et par ailleurs, le musicien a besoin de débuter un nouveau morceau sur un texte vierge pour pouvoir y apporter ses intentions.
Mais cela est encore plus criant en ce qui concerne le prêt ou la location de partitions aux orchestres. En effet, la plupart du temps les annotations du chef doivent être recopiées sur toutes les partitions par les copistes, et après usage, gommées afin de les rendre à l’éditeur dans un état acceptable …
L’avantage du numérique pour les annotations
La partition numérique peut simplifier considérablement le travail à l’aide d’annotations.
D’une part les annotations peuvent être considérées comme des informations saisies indépendamment de la partition, même si elles s’y superposeront afin de constituer la partition annotée.
L’avantage de cette dissociation sera d’une part de pouvoir enlever les annotations (ou même une partie des annotations) si elles ne sont plus nécessaires, et laissera la partition originale intacte afin de pouvoir être réutilisée par un autre musicien.
Mais surtout, dans un orchestre, les annotations du chef pourront être récupérées par les musiciens, et les annotations personnelles des musiciens échangées entre eux….
Et ceci ne constitue qu’une partie des avantages… nous allons voir ça en détail maintenant.
La suite dans : Annotations numériques 2e partie